Introduction

Couverture Les Scarifiés

J'ai lu avec un immense plaisir le roman Perdido Street Station de China Miéville. C'est un auteur que je ne connaissais pas. J'ai ensuite découvert sur l'Internet qu'il en avait écrit d'autres, dont certains se passent dans le même univers.

The Scar, Les Scarifiés, est l'un de ces romans. Il n'est pas traduit en français au moment où j'écris ces lignes (mai 2005). Je le dis donc en anglais.

Mon anglais est plus technique que littéraire. J'ai eu du mal à comprendre toute la poésie de l'introduction. J'ai donc décidé de traduire cette introduction en français, pour essayer de mieux l'appréhender. Vous trouverez le résultat de cette traduction ci-dessous. Le texte original en anglais est accessible en ligne.

Je ne prétends pas que cette traduction est bonne. Elle a encore besoin d'être peaufinée. C'est un travail difficile. Mon résultat est probablement pleins de fautes, aussi bien de français, que de sens. J'attends avec impatience la traduction officielle, pour la comparer à mon travail.

Si vous avez des remarques à formuler, n'hésitez pas à me contacter.

La traduction

Un kilomètre sous le nuage le plus bas, les rochers fendent l'eau et la mer s'étale.

Ils ont reçus beaucoup de noms. Chaque crique, chaque baie et chaque ruisseau a été classifié comme s'il était singulier. Mais il est un endroit, où les frontières sont absurdes. Cela rempli l'espace entre les pierres et le sable, s'enroulant autour du littoral et remplissant les failles entre les continents.

Aux bords du monde, l'eau salée est assez froide pour brûler. D'énormes dalles de mer gelée imite la terre, casse et fracasse et reforme, craquelées de tunnels, l'habitat des crabes-gels, des philosophes avec des carapaces de glace vivante. Dans les bas-fonds, il y a des forêts de vers-tuyaux, de varech et de coraux prédateurs. Les poissons-lunes nagent avec une grâce indolente. Les trilobites font leurs nids dans les os et le fer corrompu.

L'océan grouille.

Il y a des habitants des surfaces, flottant librement, qui vivent et meurent dans les courants sans jamais voir la crasse sous eux. Des écosystèmes complexes s'épanouissent dans des bassins néritiques et des plateaux, glissant sur des éboulis organiques vers le bord de rochers inclinés et tombant vers une zone au-dessous de la lumière.

Il y a des ravines. Des présences, quelque chose entre les mollusques et les déités, se tapissent patiemment sous treize kilomètres d'eau. Dans le froid sans lumière la brutalité de l'évolution prévaut. De rudes créatures émettent des humeurs visqueuses et de la phosphorescence et se déplacent avec des tremblements de membres mal définis. La logique de leurs formes provient de cauchemars.

Il y a des puits d'eau sans fond. Il y a des endroits où le granite et la saleté de l'océan tombent dans des tunnels verticaux qui plongent sur des kilomètres, se répandent dans d'autres plans, sous des pressions tellement énormes que l'eau coule engourdie et épaisse. Cela jaillit par les pores de la réalité, suintant en retour en dangereuses bouillies, laissant des fissures à travers lesquelles des forces déplacées peuvent émerger.

Dans les moyennes profondeurs glacées, des vents hydrothermiques défoncent la roche et crachent des nuages d'eau brûlante. Des créatures confuses lézardent dans la chaleur ambiante pendant toute leur courte vie, ne s'égarant jamais au delà des quelques décimètres de chaleur et d'eau riche en minéraux, vers le froid qui pourrait les tuer.

Le paysage sous la surface est fait de montagnes, de canyons et de forêts, de dunes qui glissent, de cavernes de glace et de cimetières. L'eau est dense de matière. Des îles flottent de manière impossible dans les profondeurs, attrapées par des marées enchantées. Certaines ont la taille de cercueils, petites tranches de silex et de granite qui refusent de couler. D'autres sont des rochers noueux longs d'un demi kilomètre, suspendu des milliers de mètres sous la surface, se déplaçant lentement, jets mystérieux. Il y a des communautés de ces terres insubmersibles : ce sont des royaumes cachés.

Il y a un héroïsme et une guerre brutale sur le sol de l'océan, qui échappent à l'attention des habitants terrestres. Il y a des dieux et des catastrophes.


Des navires intrus passent entre la mer et l'air. Leur ombre mouchète le fond qui est assez haut pour que la lumière l'atteigne. Les bateaux marchands et les cogues, les baleiniers passent par dessus la pourriture d'autres embarcations. Les corps des marins fertilisent l'eau. Les poissons nécrophages se nourrissent d'yeux et de lèvres. Il y a des dents de rochers dans l'architecture corallienne, là où les mâts et les ancres ont été reconquis. Des bateaux perdus sont déplorés ou oubliés, et le sol vivant de l'océan les prend et les cache avec les bernacles, les donne comme grotte aux murènes, aux chimères d'Amériques et aux langoustes proscrites; et à d'autres choses plus sauvage.

Dans les endroits les plus profonds, là où la norme physique s'effondre sous l'eau écrasante, des corps continuent de tomber doucement dans le noir, des jours après que leur navire ait chaviré.

Ils pourrissent pendant leur long voyage vers le fond. Rien ne va toucher le sable noir du bas du monde à part des os couverts d'algues.


Au bord des rangées de rochers, là ou l'eau froide et légère laisse la place à la noirceur rampante, un hommard se déplace à quatre pattes. Il voit une proie, cliquette et crépite au fond de sa gorge pendant qu'il retire le chaperon de son calmar de chasse et le libère.

Celui-ci file comme une flèche loin de lui, plongeant vers un banc de maquereaux gras qui entre en ébullition et se reforme comme un nuage dix mètres plus haut. Ses tentacules longs d'un demi mètre s'ouvrent puis se referment en fouettant. Le calmar retourne vers son maître, entraînant un poisson mourant, et le banc se reconstitue derrière lui.

Le hommard coupe la tête et la queue du maquereau et glisse la carcasse dans un filet attaché à sa ceinture. Il donne la tête ensanglantée à son calmar qui le ronge.

La partie supérieure du corps du hommard, celle qui est molle, sans carapace, est sensible au variation instantanée de la marée et de la température. Il sent un picotement contre sa peau jaunâtre lorsque de complexes courants d'eau se rencontrent et interagissent. Avec un spasme abrupt, le nuage de maquereaux se coagule et disparaît derrière un récif encroûté.

Le hommard lève son bras et rappelle son calmar près de lui, le calme doucement. Il tâte son harpon.

Il est sur une crête de granite, où des algues et des fougères l'empêchent d'avancer et caressent son long bas-ventre. A sa droite, une saillie de pierre poreuse s'élève au-dessus de lui. A sa gauche la pente tombe rapidement vers la zone disphotique. Il peut sentir le froid venant de plus bas. Il regarde dans un dégradé rapide de bleu. Loin au-dessus, vers la surface, il y a des rides de lumière. Sous lui, les rayons disparaissent promptement. Il est juste au-dessus de la frontière qui le sépare du noir perpétuel.

Il marche à pas mesurés ici, au bord du plateau. Il vient souvent chasser ici, où les proies sont moins attentives, loin des eaux peu profondes, plus légères et plus chaudes. Quelquefois, de gros gibiers s'élèvent singulièrement de la nuit noire, pas habitués à ses tactiques sagaces ni à ses harpons hameçonnés. Le hommard se déplace nerveusement dans le courant et regarde au loin vers la pleine mer. Quelquefois, ce n'est pas une proie mais un prédateur qui s'élève de la zone crépusculaire.

Des tourbillons d'eau froide le font culbuter. Des cailloux sont arrachés autour de ses pieds et rebondissent lentement le long de la pente, hors de vue. Le hommard s'ancre sur les rocs glissants.

Quelque part sous lui il y a une douce percussion de rocher. Un froid qui n'est transmis par aucun courant rampe sur sa peau. Des cailloux sont réalignés, et une goutte de remous thaumaturgique est vomie à travers de nouvelles crevasses.

Quelque chose de maléfique émerge dans l'eau froide, à l'autre bout des ténèbres.

Le calmar de chasse du hommard commence à paniquer, et lorsqu'il est de nouveau lâché, il file instantanément vers le haut de la pente, vers la lumière. Il risque un œil en arrière vers les ténèbres, cherchant l'origine du son.

Il y a une vibration de mauvaise augure. Comme il essaye de voir à travers l'eau troublée par la poussière et le plancton, quelque chose bouge. Bien plus bas, un bouchon de roche plus grand qu'un homme frissonne. Le hommard se mord la lèvre lorsque le gros rocher irrégulier se détache soudain et commence une descente grinçante.

Le tonnerre de son passage se réverbère bien après qu'il ne soit plus visible.

Il y a maintenant un puits dans la pente, qui souille l'océan de noirceur. C'est calme et immobile pendant un moment, puis le hommard touche son harpon avec anxiété, l'étreint, le soupèse et se sent trembler.

Et alors, doucement, quelque chose d'incolore et de froid glisse hors du trou.

Cela trouble l'œil, partant avec une rapidité organique grotesque qui semble démentir une intention, comme du sang s'échappant d'une blessure. Le hommard est presque immobile. Sa peur est intense.

Une autre forme émerge. Il ne peut pas non plus la discerner : elle lui échappe, c'est comme un souvenir ou une impression, qui ne peut pas être clarifié. C'est rapide et corporel et froidement terrifiant.

Il y en a encore une, puis une de plus, jusqu'à ce qu'un flot rapide et constant s'écoule de l'obscurité. Les présences se déplacent, presque invisible, communient et se dissipent, leurs mouvements opaque.

Le hommard est immobile. Il entend un étrange discours chuchoté dans la marée.

Ses yeux s'écarquillent lorsqu'il entrevoit de massives dents recourbées, des corps froissés de cailloux. De sinueuses choses musculeuses s'agitant dans l'eau glaciale.

Le hommard commence à bouger et recule, ses pieds glissant sur les pierres inclinées, essayant de se calmer mais trop lentement - de petits bruits nerveux lui échappent.

D'un seul mouvement, d'une contraction nonchalante et prédatrice, les choses obscures, tassées sous lui pour former un conseil, se déplacent. Le hommard voit la noirceur d'une vingtaine d'yeux, et il sait qu'ils regardent.

Et alors, avec une grâce monstrueuse, ils s'élèvent, et sont sur lui.